Conférence de presse sur l’enseignement du français à l’étranger au quai d’Orsay le jeudi 03 octobre 2019

En présence de Monsieur Jean-Yves Le Drian, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Monsieur Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse et Monsieur Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d’Etat.

Revoir la conférence de presse : https://youtu.be/WuBzkXMDj4c

En résumé, voici les éléments que le SNUipp-FSU a extrait de la conférence de presse :Création de 16 pôles régionaux de formation à l’étranger. Une ouverture le 1er janvier 2020 pour être opérationnel au 1er septembre 2020. Mise en place d’une certification “Enseignement français de l’étranger” incluse dans le master MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la Formation) en janvier 2020.Une homologation “simplifiée”, “moins bureaucratique” avec un “guide en ligne” pour “plus d’interactivité”.Doublement de la représentation des parents au Conseil d’administration de l’AEFE (passage de 2 à 4) Un siège créé pour un représentant des anciens élèves au CA de l’AEFE

Et en résumé, les annonces qui n’en sont pas :
Création de 1000 postes de détachés (directs) d’ici à 2030.Augmentation du budget de l’AEFE de 25 millions d’euros après l’avoir réduit de 33 millions.Frais de scolarité ramenés au niveau de ceux de 2016, on n’y croit pas vraiment …

Après les autoroutes, les aéroports de Paris…maintenant l’enseignement du français à l’étranger

C’est sans grosses surprises que le SNUipp-HDF a écouté les détails des annonces ministérielles ce jeudi 03 octobre 2019.

“Développer l’enseignement français à l’étranger: un nouvel élan”. Oh que oui ! Un nouvel élan vers la privatisation du réseau.

L’Etat s’engage, à coup de belles paroles bien ficelées, à se désengager. L’outils AEFE accompagnera les investisseurs et fera même de la pub sur son site pour eux! Voilà ce qu’il fallait comprendre de cette conférence de presse au quai d’Orsay.

“Bataille nouvelle de l’Éducation, compétition internationale, puissance éducative, enjeu géopolitique contre l’obscurantisme” et tout cela “au nom de la culture, du savoir et des valeurs comme la démocratie”. Il faut au moins cela pour pouvoir répondre à la commande présidentielle du 20 mars 2018 concernant le doublement des élèves dans le réseau.

Heureusement, comme nous l’ont rappelé successivement Messieurs les deux Ministres et Monsieur le Sénateur, le rapport Cazebonne avec ses 20 000 contributions a servi de base à ses réflexions. Nous voilà soulagés et confiants ! En effet, adepte du “en même temps”, les 146 recommandations qu’elle propose sont, pour rappel, souvent contradictoires et ne permettent pas d’envisager un avenir serein pour le service public d’éducation à l’étranger et son opérateur principal, l’AEFE. Les termes utilisés et certaines recommandations allaient clairement dans le sens de la privatisation des établissements et de ce fait vers une précarisation de la situation des personnels. On notera dans ce rapport la remise en cause du rôle des organisations syndicales représentatives, tout comme le peu de prise en compte de la spécificité du 1er degré sans parler de la présence plus que limitée dans ce rapport de la MLF (Mission Laïque Française), deuxième opérateur de l’EFE par le nombre d’élèves scolarisés.  

Les affirmations magiques de cette team de luxe laissent cependant rêveur. Je vous prie d’embarquer dans ce superbe bolide tout neuf…mais y a t-il un pilote dans l’avion ?

Les parents d’élèves tout d’abord. Pilote ou pas, les commandes de l’engin sont à eux puisque la participation des familles a augmenté en 15 ans et qu’elle atteint maintenant plus de 60% du financement des établissements (faut-il rappeler ce désengagement de l’Etat ?) :

  • renforcement de l’éducation plurilingue pour répondre à leurs attentes avec le doublement des sections internationales (de 138 aujourd’hui à 276 à terme). Et la place de l’enseignement français en français là-dedans ? Quelle prise en charge ? Quelles modalités ? Quelle cohésion d’équipe sur quel temps ? Quels contrats ?
  • doublement des représentants de parents d’élèves au Conseil d’Administration, passant de deux à quatre, et ajout d’un représentant des anciens élèves. C’est sûr, ça va tout changer…

A ceci, vous ajouterez:

  • un moteur tout neuf à cette machine volante: la création du Conseil de l’Orientation Internationale de l’EFE qui réunira les ministères. Neuf ? Pas du tout…ce conseil existait déjà mais ce gouvernement ne l’avait pas réactivé, ou comment faire croire à la construction d’un Boeing à partir d’un vieux coucou. 
  • un manche directionnel high-tech dans les locaux de l’AEFE avec la création du Service d’Appui Du Réseau (SADR) qui a comme objectif premier d’accompagner les nouveaux établissements dans leur homologation. Une homologation “simplifiée”, “moins bureaucratique” avec un “guide en ligne” pour “plus d’interactivité”. Des demandes possibles dès la première année (au lieu de deux actuellement) et un allègement des critères qui passent de dix à six et l’abandon officiel de la nécessité d’enseignants titulaires dans les établissements. Ou comment faire une belle promo pour attirer les investisseurs.
  • des instruments de vols dans chaque pays, avec les Ambassades qui s’occuperont de la régulation éducative en analysant les besoins sur place, et de la coalition d’intérêt entre les établissements et les élus. Mais sinon…les enseignants…ont-ils un mot à dire sur les besoins des établissements déjà existant ?
  • du carburant, à hauteur de 25 millions d’euros. Pour quoi faire ? D’abord pour former les recrutés locaux pardi ! C’est un axe prioritaire. Une belle “feuille de route” est prévue, à hauteur de 5 millions d’euros, afin de financer les 16 pôles régionaux de formation à l’étranger. Une ouverture le 01 janvier 2020 pour être opérationnel au 01 septembre 2020. Qui dispensera ces formations ? Quelles modalités ? Nous sommes dans le brouillard.

Dans les 25 millions on intègre le fait qu’il y aura une baisse des contributions que les établissements versent à l’AEFE avec un retour à 6% en 2020. Ce n’est pas une annonce, c’était déjà prévu lors de la mise en place du plan d’économie suite à la ponction des 33 millions.

M. Le Drian, Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères nous charme en disant “pas d’annonces sans preuves d’amour, c’est pourquoi la subvention allouée à l’AEFE augmente de 25 millions d’euros en 2020”. Et les 33 millions d’il y a deux ans ? C’était un divorce ? Et les postes de résidents qui ferment dans le réseau existant, c’est quoi, une dispute ?

  • un porte-avion dernière génération pour lancer tout ça avec la création d’un master muni d’une certification spécifique pour enseigner à l’étranger. Dès janvier 2020, des expérimentations commenceront dans plusieurs INSPE. Dès septembre 2020, cette certification sera incluse dans le master MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la Formation).

Depuis quand l’acte d’enseigner diffère entre la France et les écoles françaises à l’étranger ? Les enseignants déjà en place ne seraient-ils donc pas compétents ? Et les nouveaux profs qui ne choisiront pas cette option, pourront-ils prétendre à enseigner à l’étranger ?

  • un radar intégré toujours en mouvement, et pour M. Blanquer une augmentation de la mobilité en limitant à 6 ans les nouveaux détachements au bénéfice à la fois de l’étranger et de la France. Quid des personnels ? De leur vie familiale ?

Et dans les zones difficiles, comment pourvoir les postes avec un tel turn over ? Six ans à Bogota: le coup de l’installation et du retour, en seulement six années, est-ce pour tout public ou plutôt réservé aux jeunes stewarts aventureux et ceux plus aisés ?

Et qu’en est-il de la stabilité des équipes pédagogiques ?

  • 1000 stewarts détachés supplémentaires. Chouette, du personnel formé et tout frais !

Les conditions de travail du personnels sont-elles égales ? Le salaire, les heures de vols ? La considération ? Et bien ils devront se satisfaire du contrat que les établissements privés voudront bien leur donner. Ces 1000 détachés ne le seront pas au sein de l’AEFE car cela supposerait d’abonder les postes budgétaires. Ils seront détachés directs, comprenez directement sous la tutelle des établissements privés et de leur gouvernance. Là où le dialogue social n’existe pas ou très peu, là ou les droits syndicaux sont synonymes de gros mots, là où la précarité règne en maître. Un vrai beau ciel bleu.

Vous l’aurez compris, une ère nouvelle a commencé. Après les compagnies low cost, voici l’éducation low cost.

Attachez vos ceintures, EasyEducation vient de voir le jour à l’étranger.

Clémence pour le SNUipp-FSU