Le 30 mai 2022, le groupe d’études « Statut, rôle et place des Français établis hors de France », présidé par M. Ronan LE GLEUT, a organisé une audition concernant l’impact du Décret n° 2022-705 du 26 avril 2022 sur les enseignants détachés directs au sein du réseau de l’enseignement français à l’étranger, avec l’ensemble des acteurs concernés (MEAE, MEN, AEFE, MLF, représentants des enseignants et des parents d’élèves,…).
A cette occasion, la FSU a pu exprimer son opposition totale à cette mesure.
Voici la déclaration de la FSU :
Les représentants des personnels de la FSU ont été alertés le 12 mai, par de nombreux collègues détachés directs à l’étranger, extrêmement inquiets, ayant découvert le décret 2022-705 du 26 avril 2022 par voie de presse. Sur la forme, il est scandaleux qu’une mesure aussi brutale, qui fait exploser leur taux de cotisation à la pension civile de 11,10% à 27,77% du traitement indiciaire, ait été prise par le gouvernement en catimini, sans la moindre concertation ni même la moindre information aux différents opérateurs de l’enseignement français à l’étranger, alors qu’environ 2800 personnels détachés par le Ministère de l’Éducation nationale entrent potentiellement dans le périmètre du décret.
Cette mesure touchera de plein fouet les personnels détachés dans le réseau de la Mission laïque française, dans les établissements partenaires de l’AEFE et à Monaco.
Les effets de cette mesure étant catastrophiques pour les personnels concernés et mettant en danger l’enseignement français à l’étranger dès la rentrée 2022, les syndicats hors de France de la FSU (SNUipp, SNES, SNEP) ont immédiatement appelé les personnels à se mobiliser. Notre appel à la grève le 24 mai dans le réseau de la Mission laïque française (MLF) a été très suivi, les taux de grévistes allant jusqu’à 90% ou même 100% (personnels de direction inclus) dans plusieurs établissements au Maroc ou en Espagne.
Les fortes mobilisations dans le réseau, et peut-être le contexte concomitant des élections législatives, ont permis un premier résultat : la publication au Journal officiel du 26 mai d’un décret modifiant le décret du 26 avril. Aucun changement sur le fond, mais un simple report de l’entrée en vigueur du nouveau taux de cotisation, au 1er octobre 2022 au lieu du 1er mai 2022. Pour les personnels des établissements d’enseignement français à l’étranger, cela signifie de fait que la mesure ne s’appliquera pas à la rentrée de septembre 2022, mais à la rentrée 2023 (pour tout nouveau détachement direct ou tout renouvellement de détachement direct).
Si cette mesure est maintenue, les personnels n’auront pas le choix.
Soit ils subiront une baisse substantielle de leur pouvoir d’achat.
Soit ils devront renoncer à cotiser à la pension civile. Mais, cette disposition s’ajoute à l’effet dissuasif du bornage des détachements instauré par le MEN en 2019. Même en cotisant 6 ans au maximum dans le système local, ces personnels n’auront de fait pas de droits à pension dans le pays.
Soit ils seront contraints de réintégrer.
Quant à ceux susceptibles de venir de France l’an prochain, cette mesure risque fort de les décourager.
Ce décret est donc synonyme de précarisation des personnels mais constitue également une menace pour les établissements. Ils pourraient avoir du mal à recruter ou à conserver leurs personnels détachés ou bien ils devront prendre en charge le surcoût de cette mesure.
La mesure ne sera donc pas plus acceptable à la rentrée 2023, la FSU appelle donc à maintenir la pression et à poursuivre les mobilisations.
Sur le fond, l’historique du décret 2022-705 qui fait exploser le taux de cotisation à la pension civile est à rechercher dans la Loi de finances pour 2021 (loi 2020-1721), dont le tout dernier article (271) a modifié le Code des pensions civiles et militaires de retraite (article L.87) en introduisant pour la 1ère fois un taux de cotisation différent de celui des autres fonctionnaires, pour les détachés auprès d’organismes implantés à l’étranger (ce que sont les détachés directs auprès des établissements d’enseignement français partenaires) : auparavant, le taux était le même. La Loi de finances modifiant le Code des pensions civiles annonçait que ce taux pour les détaché-es à l’étranger serait « fixé par décret » ; ce décret a mis plus d’un an à paraître, et c’est le décret 2022-705 du 26 avril !
Il est pour le moins surprenant que des parlementaires de la majorité s’émeuvent aujourd’hui de ce décret, après avoir voté la Loi de finances 2021 et la modification du Code des pensions civiles…
Toujours sur le fond, l’arrêt de la Cour de justice de l’UE du 6 octobre 2016, invoqué par le gouvernement, ne concerne pas l’ensemble des détachés à l’étranger, mais spécifiquement les fonctionnaires détachés au sein d’une institution ou d’un organe de l’UE. L’écrêtement de la pension française a été jugé comme illégal et le gouvernement a contourné cette condamnation en augmentant le taux de cotisation pour tous les détachés directs à l’étranger. De plus, à aucun moment l’arrêt de justice ne dit qu’il faut augmenter le taux de cotisation.
La FSU tient enfin à rappeler que la part patronale de la pension civile des personnels détachés directs n’est pas payée en France par les employeurs de droit étranger, alors que l’AEFE, elle s’en acquitte pour ses personnels détachés, ce qui pèse lourdement sur le budget de l’opérateur public. La FSU dénonce de longue date à la fois cette inégalité et l’insuffisance structurelle de la compensation accordée par l’État à l’opérateur public.
En conclusion, cette affaire démontre, si besoin était, que le détachement direct sur contrat local, plébiscité par certains-es, est de fait, synonyme d’une précarisation accrue des personnels. La FSU avait d’ailleurs vigoureusement dénoncé la “bascule” en contrat local des personnels détachés auprès de la Mission laïque française il y a une dizaine d’années.
La FSU rappelle son attachement au détachement auprès de l’opérateur public AEFE, seul modèle qui doit rester ou redevenir le modèle.